Ce sont les derniers décuvages aux domaines Amal, la fin des vendanges pour l’équipe de cave. Bien entendu les fantassins du vignoble ont déjà pris leur rythme d’hiver mais la cavalerie a continué à travailler tous les jours en cave sur les vins rouges. Les tempranillo sont gourmands et serviront de base à Amal rouge. Le cœur de M et de carat en rouge, les syrahs, sont élégantes et profondes grâce aux macérations longues de presque un mois. Le cabernet sauvignon lui, est remarquable de puissance et d’équilibre, gageons que nous entendrons parler de lui par la suite.
Mais en cette année qui a vu les canicules s’emballer, une interrogation revient aux lèvres de la plupart des vignerons avec qui j’ai échangé : quel avenir pour le vin marocain avec les bouleversements climatiques que nous subissons ?
Il y a un point à préciser en préambule : c’est aux limites de culture de la vigne que les effets millésimes sont les plus marqués. En limite septentrionale, une saison à peine plus fraiche que la moyenne de température peut marquer les vins par une sous maturité, de la même façon en limite méridionale, ce qui est le cas du Maroc, le moindre excès de chaleur peut être dramatique. Et depuis quelques années chaque millésime apporte son lot d’originalités et pénalise tout ou partie du vignoble. Si cette année nous fûmes relativement épargnés, d’autres secteurs ont beaucoup perdu.
Le modèle économique de production à fort rendement est devenu délicat à soutenir, tant les millésimes modestes en rendement s’enchainent régulièrement. Bien sur le changement climatique est visible et mesurable ; pourtant il serait injuste d’en faire le seul responsable. Les sols marocains sont souvent épuisés et manquent de matière organique. L’usage exclusif d’engrais minéraux n’a eu pour effet que de masquer ces symptômes pendant quelques années, mais les réserves utiles en eau sont affaiblis et les systèmes racinaires peu profond, impactant la capacité de la vigne à supporter les stress hydriques autant que les chaleurs excessives.
Aux domaines Amal nous croyons en une viticulture d’équilibre, soignée et aux rendements raisonnables. De plus en plus de domaines font ce choix, nous n’en avons pas le monopole, et c’est ce qui permettra aux vins marocains de durer et même de continuer leur progression qualitative. Bien sûr, il faudra sans doute faire le deuil des vignes à haut rendement d’un passé pourtant pas si éloigné mais, face à l’offensive des vins étrangers d’entrée de gamme, les produits plus coûteux à produire mais mieux valorisés ont certainement plus d’avenir. Le terroir du Maroc a une identité forte et son aventure ne fait que commencer.