C’est un insecte très contrariant qui pullule en cette saison. C’est une mouche qui met un point d’honneur à faire mentir l’adage, puisqu’elle est attirée par le vinaigre ; ce qui lui vaut le nom vernaculaire de « Mouche du vinaigre ». Elle va aussi coloniser vos fruits qui commencent à moisir, ce qui lui valut le nom de « Fruit fly » chez les anglophones. Elle est également attirée par le vin, ce qui lui vaut dans les caves divers noms qui, pour fleuris et évocateurs qu’ils soient, n’ont guère leur place sur un blog de qualité. L’animal a donc une ribambelle de noms tout à fait logiques, mais en chaque scientifique, un poète sommeille. Chez certains, il sommeille plus profondément que chez celui qui nomma cette mouche Drosophile ; la mouche qui aime la rosée. Il ajouta même Melanogaster, soit ventre noir, ce qui est tout à fait exagéré de mon point de vue. L’animal est fourbe, tout petit et se glisse partout. Avec son odorat plus aiguisé que la truffe d’un pointer surentrainé, il saura trouver l’accès au moindre centilitre de vin.
Pourquoi ne pas partager notre vin avec un petit œnophile si zélé, me direz-vous ? Déjà, parce que ce n’est pas très hygiénique … mais surtout que cette abomination transfert un gout très fort au vin. Un gout malheureusement indescriptible autrement que par le nom de gout de drosophile. Une seule mouche dans un verre, en fonction de la durée (et parait-il de son sexe, mais j’avoue ne pas avoir poussé l’observation aussi loin… ) peut gâter votre dégustation, alors qu’une famille nombreuse peut irrémédiablement abimer une cuve de faible volume.
Ajoutons à tous ces vices une parenté bien sinistre. Sa cousine asiatique, dite du cerisier ou suzukii (avec deux i par égard pour l’industriel), s’attaque à certains vignobles de la façon la plus vicieuse qui soit. Elle attend que le raisin soit mur et préfère le raisin rouge au blanc. Elle le pique de façon à juste laisser perler une goutte de jus, qui entrainera à coup sûr un développement de pourriture, avant de s’en aller recommencer sur une autre baie. Même en lui reconnaissant son coté gourmet, les vignerons finissent toujours par prendre la mouche… Enfin, cette malédiction ailée possède une dernière caractéristique qu’elle partage avec le vers à soie et les abeilles ; eut égard à ses sacrifices et aux services rendus à la science de la génétique. La drosophile en tant qu’animal de laboratoire est considérée, en droit français, comme un animal domestique. Il est donc possible d’en revendiquer la propriété comme un bien meuble ordinaire, mais… si vous voulez les miennes, soyez rassuré ! je vous les offres de bon coeur.